L’A220 un Game-Changer ?

Choisi pour équiper la future flotte moyen-courrier d’Air France, l’Airbus A220 ex Bombardier Cseries, est la nouvelle célébrité de l’aviation commerciale. Rassemblant déjà 642 commandes, l’avenir de cet avion est dit être prometteur, même en pleine crise du COVID-19. Bien souvent présenté comme un game-changer pour l’industrie aéronautique civile, nous allons aujourd’hui chercher à savoir ce qu’il en est réellement.

Histoire

L’histoire de l’A220 commence en 2008 au salon aéronautique de Farnborough. A cette époque, l’A220 n’est pas européen mais Canadien. A son origine, le constructeur Bombardier connu pour sa gamme de jet regionaux les CRJ. D’ailleurs à ce moment là le programme A220 est lancé sous le nom de CSeries.

L’objectif est simple: construire un avion de transport régional à réaction qui pourra transporter 100 à 150 passagers sur plus de 5 700 kms. Ne vous fiez pas aux apparences, le CSeries ne s’impose pas comme concurrent direct au Boeing 737 ou à l’Airbus A320 mais plutôt aux Embraer 190 et 195 et se positionne en tant que digne successeurs des CRJ-900 et CRJ-1000 que Bombardier construisait jusqu’à maintenant. L’avion sera proposé en deux versions: le CS100 et le CS300 chacun proposant plus ou moins de siège et de distance franchissable. Le prix catalogue est alors estimé à $90 millions soit environ 10% moins cher qu’un A320.

Le 16 Septembre 2013 après 5 ans de développement qui ont déjà coûté plus de $3 milliards à Bombardier, le CSeries prend enfin son envol depuis la piste de Mirabel au Canada. Deux ans plus tard l’avion reçoit sa certification.

En 2016 Air Canada prend commande de 45 CS300 pour un montant de $3.8 milliards. La même année, quelques mois plus tard, Delta Air Lines commande 75 exemplaires du CS100. Cela déplut fortement à Boeing qui espérait alors vendre ses 737MAX à la compagnie américaine. L’avionneur de Seattle, engagea alors des poursuites contre Bombardier. A tord, le Sénat américain força l’avionneur Canadien à augmenter de 300% le prix de vente du CSeries à Delta Air Lines. Avec un programme qui avait déjà coûté plus de $7 milliards à Bombardier, perdre un client majeur pourrait signer plus tôt que prévu la fin du CSeries. Heureusement Airbus, vit ici une opportunité, et acheta 50.01% du programme. Devenant actionnaire majoritaire ce-dernier pris propriété du CSeries qui fût alors renommé A220. Le CS100 devînt l’A220-100 et le le CS300 l’A220-300.

Premier vol du CSeries. / Vidéo: BOMBARDIER

Performances

Pourquoi l’A220 inquiète-t-il autant Boeing ? Pourquoi Airbus, s’est-il jeté sur l’opportunité de racheter le programme ? En fait même si l’A220 ne s’attaque pas directement aux gammes 737MAX et A320neo, on peut dire qu’il vient quand même bien s’y frotter:

  • proposé à un prix 10% moins cher que ceux-ci, avec quasiment la même capacité d’emport et consommant 20% de carburant en moins à capacité égale pour une distance franchissable égale; l’A220 ex-Cseries constitue un atout majeur de par sa capacité légèrement inférieure qui lui confère plus de polyvalence que les moyen-courrier de Boeing et d’Airbus. Il peut donc se positionner sur les mêmes routes que ces-derniers et en plus sur des routes plus petites, qui rapportent moins, sur lesquelles moins de personnes voyagent.
  • et puis bien sûr on oubli pas son cockpit dont le design est hérité de la gamme Business Jet Global Best-Seller de l’avionneur Bombardier. Ultra-ergonomique, équipé d’écrans tactiles et de mini-manches qui sont couplés à la technologie Fly-By-Wire, l’A220 se mesure ici encore très bien aux familles 737MAX et A320NEO.
En plus d'être moins cher à opérer que les 737MAX et A320NEO, l'A220 est aussi plus polyvalent.
L'A220 bénéficie de l'expérience de Bombardier avec la gamme Business Jet Global.

Avec la crise actuelle qui a vu une réduction de la demande, il ne fait aucun doute que l’A220 est l’avion qui répond le mieux aux besoins actuels du marché moyen-courrier.

Difficultés

Si le programme a rencontré des débuts difficiles malgré ses capacités ce n’est pas seulement de la faute de Boeing.

L’A220 a été et est toujours marqué par des problèmes concernant ses moteurs. Les PW1500G qui équipent l’aéronef font partie de la même famille de moteurs que ceux qui équipent le SpaceJet de Mitsubishi et l’A320NEO d’Airbus. Or cette famille de moteur fait face à des problèmes de calage en plein vol. Pour ceux qui suivent l’émission depuis ses débuts, vous vous rappelez certainement que le SpaceJet a connu son petit lot d’incidents moteurs. Néanmoins ce-dernier est toujours en phase de tests. Pour l’A220 qui lui est déjà entré en service, les équipages sont obligés de limiter la puissance moteur au-dessus d’une certaine altitude ce qui a un certain impact sur les performances de croisière de l’avion. Etant donné que le premier client de la gamme des PW1000G est la famille A320NEO, le motoriste PW concentre actuellement ses efforts sur la résolution des problèmes qui concernent cette famille d’avion. L’A220 n’est pas encore la priorité absolue et il faudra attendre encore un peu avant que l’on puisse utiliser cet aéronef au maximum de son potentiel.

Le PW1500G qui équipe la famille A220. / Image: Pratt & Whitney

Le deuxième problème du programme c’est son rachat par Airbus. Initialement Bombardier ne prétendait pas concurrencer directement les 737MAX et A320NEO avec le CSeries. Cependant il y avait un projet d’une version CS500 qui elle aurait en tout point égalisé la capacité d’emport et les performances des best-sellers d’Airbus et Boeing. Vous le comprenez, si Airbus commercialise un tel avion, il risque de cannibaliser l’A320NEO. Même si aujourd’hui il n’y a aucune certitudes sur le fait que l’A220-500 verra ou ne verra pas le jour, permettez-moi de fortement douter que l’on verra un tel avion voler.

Conclusion

Avant de devenir l’A220, le CSeries avait un grand avenir devant lui. Malheureusement Bombardier n’a pas eu les épaules pour soutenir le projet dans le long-terme. Or c’est justement dans le long-terme que le CSeries, sous sa version CS500, aurait pu compétiter avec l’A320NEO et le 737MAX. Avec le rachat du CSeries par Airbus, voir une telle version voler n’est plus certain. Airbus ne prendra pas le risque de cannibaliser l’un de ses produits. L’avion est sur un marché ultra-spécifique, moderne, économe en carburant et proposé à un prix avantageux. Pour les compagnies aériennes c’est une aubaine.

L’avion avait un futur prometteur mais il a été vite freiné par le manque de commandes et de finances. Si le rachat par Airbus sauve les versions actuelles, il est très peu probable de voir ce programme se développer au maximum de son potentiel. L’A220 est donc en effet un game-changer, mais peut-être pas autant que l’on aurait aimé qu’il le soit.

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