Le NMA, l’avion de la dernière chance pour Boeing ?

Depuis maintenant quelques semaines, des rumeurs de Wall Street font vent de discussions entre Boeing et le motoriste Rolls-Royce, à propos d’un éventuel projet de nouvel avion commercial.

 

Alors que Boeing se bat sur deux fronts, faisant face aux crise du COVID et du 737MAX, ces discussions marquent-elles un nouveau commencement ou le début de la fin pour l’avionneur Américain ?

Des temps difficiles

Commençons par un peu de contexte. Pour faire court Boeing fait actuellement face à deux crises majeures:

  • celle du COVID-19 qui a causé une chute drastique du trafic aérien mondial, de nombreuses faillites de compagnies aériennes faisant en conséquence chuter le nombre de commandes pour des avions commerciaux
  • celle du 737MAX qui selon moi est celle qui a le plus d’impact des deux. Le nombre de commandes pour le programme a été divisé par deux entraînant un perte de revenus; Boeing a du indemniser les compagnies clientes qui ont vu leurs commandes retardées et prendre à charge les frais de maintenance des avions cloués au sol

 

Si beaucoup pensent que Boeing va bientôt se sortir des eaux troubles grâce au retour en service du 737MAX, et bien je ne suis pas de cet avis.

Ce jeudi 28 octobre Boeing a publié ses résultats financiers du 3ème trimestre, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas bons. En les combinant avec les résultats du 1er et 2ème trimestre ce sont pas moins de $4,7 milliards que Boeing a perdu depuis le début de l’année. Le flux de trésorerie, du constructeur s’élevant désormais à  -$14 milliards. On ne va pas aller plus loin mais ajoutons à cela les versements d’indemnités et les autres dettes, et on comprend vite que Boeing ne vole pas très haut en ce moment.

 

Pour amortir la perte cumulée depuis le début 2020, il faudrait que le constructeur réalise dès l’année prochaine une performance commerciale similaire à celle de 2018. C’est-à-dire livrer grosso-modo 806 avions commerciaux dont 580 737. Autant dire qu’on en est loin.

Aussi l’enquête du NTSB sur le crash de l’Ethiopian n’a pas encore touché à sa fin, ni le procès avec les familles des victimes des deux crash du 737MAX. Boeing est donc encore loin d’être sorti d’affaire.

Le NMA / 797

Le début de cette année, marqué entre autres par le début de la crise du COVID, marque aussi une nouvelle étape pour le projet 797 connu aussi sous le nom de NMA, acronyme pour New Midsize Aircraft (ou Nouvel Avion de Taille Moyenne en Français). Le positionnement du 797 est le suivant: un avion bi-couloir aux performances similaires à celle d’un monocouloir, capable d’emporter 220 à 260 passagers, sur une distance allant de 8300 à 9300 kms. Le NMA aurait été un remplaçant idéal au 757 venant combler le vide peu à peu laissé par cet avion vieillissant, entre le 787-8 et le 737 MAX 10.

Vue d'artiste du NMA.

Lancé en 2015, le marché potentiel d’un tel avion s’élèverait à 4000/5000 unités. Mais voilà, pendant que Boeing planche encore sur une feuille blanche, Airbus se lance, en 2019, à l’assaut de ce marché avec l’A321XLR une version très longue distance de l’A321neo coupant la poire en deux: Boeing ne peut désormais espérer que vendre 2000 à 3000 unités du NMA.

Un Boeing 757 en approche finale
Vue d'artiste de l'A321XLR / Image: Airbus

Alors qu’Airbus prévoit les premières livraisons de l’A321XLR pour 2023, l’avionneur de Seattle prévoyait l’entrée en service du NMA pour 2026. Beaucoup de compagnies américaines, était alors en standby espérant remplacer leurs 757 par le NMA.

Avec la crise du MAX, le projet NMA a considérablement ralenti. Si des compagnies comme United se disaient, en 2015, intéressées par le NMA, l’avenir encore trop incertain du projet semble faire pencher de plus en plus la balance en faveur du XLR d’Airbus. En Décembre 2019, United annonce finalement porter son choix vers l’avion d’Airbus en commandant 50 exemplaires de celui-ci.

Un mois plus tard, en Janvier 2020, le couperet tombe: David Calhoun, PDG de Boeing, annonce la fin du NMA tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Avec l’abandon du NMA, c’est un marché entier qui a été laissé à Airbus. Aujourd’hui l’A321XLR rassemble plus de 450 commandes et pour Airbus, qui espère dépasser les 1000 commandes, ce n’est que le début.

Repartir de zéro

Quand Boeing annonce l’arrêt du 797, ce n’est en fait pas un arrêt complet. Pour le géant Américain il est hors de question de délaisser un tel marché à Airbus qui plus est a déjà pris la tête de la course entre les deux constructeurs. L’avionneur de Seattle va en réalité repartir d’une feuille blanche… Dans un contexte de double crise pourquoi prendre encore du retard dans ce projet ?

 

D’après les déclarations officielles de Boeing c’est d’abord la volonté de revoir l’approche des commandes de vol et de l’Interface Homme-Machine qui justifie ce choix. On le comprend aisément après les complications survenues sur le 737MAX avec le MCAS.

 

Et puis après, il y a ce que Boeing ne dit pas mais qui je pense rentre en jeu dans cette décision: l’avionneur souhaite certainement aussi revoir son approche de la conception d’un nouvel avion. 737MAX, 777X les deux derniers avions de Boeing sont des dérivés, des améliorations d’anciens avions. Et le moins que l’on puisse dire c’est que pour l’instant ça ne lui réussit pas trop: modifications aérodynamiques sur le MAX, problèmes de résistance du fuselage sur le 777X, inquiétudes des employés; il est peut-être temps de changer de stratégie.

En effet le NMA aurait aussi été la résultante d’une fabrication hybride un peu comme ses deux précédents aïeux. Il aurait été conçu à partir:

  • Du cône de queue du 737MAX
  • Des hublot du 787
  • Des portes du 767-200
  • Du pare-brise du 777

 

Cette philosophie n’a pas été un franc succès et si une telle décision peut éviter des erreurs conduisant à des catastrophes, ce n’est pas plus mal.

Avec les crises actuelles, Boeing n’a plus le droit à l’erreur. Ce prochain avion signera soit la fin soit un nouveau commencement pour la division Commercial Airplanes de Boeing.

Conclusion

A l’heure d’aujourd’hui nous n’avons eu que des rumeurs de conversations entre Boeing et Rolls-Royce concernant la motorisation d’un éventuel nouvel avion. Boeing navigue en eaux troubles et un nouvel aéronef semble être la seule façon de se sortir de la crise ou au moins d’en atténuer ses conséquences. L’option la plus probable pour ce nouvel avion est bien un appareil de type 797 / A321XLR: c’est le seul marché sur lequel Boeing est positionné qui demande de nouveaux avions. Grâce à un tel appareil, Boeing pourrait vendre un petit millier d’exemplaires.

Néanmoins le projet reste risqué car repartir d’une feuille blanche est synonyme de coûts de développement élevés. Alors que le secteur du transport aérien se transforme profondément, le succès de l’avion, quand bien même répondra-t-il aux attentes du marché, ne sera pas garanti…

 

Avec la baisse de la demande et le changement des habitudes de déplacements, le marché du NMA sera-t-il aussi grand dans 5 à 10 ans ? Les problématiques sont nombreuses, le défi est énorme. C’est peut-être le moment idéal pour reconsidérer la fabrication d’un 787-3…

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