COVID-19 la nécessité de se réinventer pour les compagnies aériennes

Je ne vous apprend rien en vous disant que les 6 derniers mois ont été vraiment difficiles pour les compagnies aériennes, et pas moins d’une vingtaine d’entre elles ont disparu à cause de la crise du COVID-19.

Parmi celles-ci, on en compte beaucoup qui étaient déjà en difficultés financières avant la pandémie, comme FlyBe ou Air Italy. Avec un baisse de demande entraînant une baisse de revenus, il était quasi-sûr qu’elles ne survivraient pas à cette crise. Si les autres compagnies ont pu échapper au dépôt de bilan c’est grâce, en grande partie, à des prêts garantis par les gouvernements. Mais lorsque l’on regarde bien, la plupart d’entre elles n’ont pas attendu que la demande passagers revienne à la normale pour reprendre les vols et faire rentrer de l’argent dans leurs caisses.

 

Transport de fret, vols de rapatriement, comment la crise du COVID-19 redessine-t-elle le business model des compagnies aériennes ?

Le transport de passagers, un marché difficile

S’il est un marché dans lequel il est difficile de s’affirmer et de durer, c’est bien dans celui du transport aérien de passagers. Déjà en période normale, les compagnies aériennes ont toujours eu du mal à atteindre leurs objectifs de rentabilité et cela pour plusieurs raisons.

 

Déjà les coûts sont très élevés: qu’ils concernent le paiement ou la location d’un avion ou bien encore l’achat de pièces de rechange. Tenez, pour vous donner une petite idée: un seul pneu d’Airbus A320 coûte aux environs de 4 000€.

 

Faire tourner une compagnie aérienne nécessite également beaucoup de personnel: pilotes, mécaniciens, agents d’escale, vendeurs/ses en agence etc. Beaucoup d’entre eux travaillent souvent à des horaires tardives ou très matinales. Ces conditions de travail demandent à juste titre une majoration de leur salaire.

 

Aussi il est très difficile d’estimer et de contrôler les coûts parce qu’ils dépendent énormément de facteurs externes à la compagnie. On peut parler ici du carburant, dont le prix à l’achat est déjà très volatile et dont la quantité consommée par vol varie énormément à cause, des possibles déroutements, remises de gaz, circuits avant l’atterrissage et autres imprévus du vol.

 

Enfin la demande quant à elle, dépend énormément de facteurs encore une fois externes à la compagnie: récessions, crises politiques, crises sanitaires, catastrophes naturelles, et j’en passe, autant de facteurs qui peuvent faire que la demande chute brusquement.

 

Ce que cette crise nous démontre c’est que s’appuyer uniquement sur le transport de passagers n’est pas suffisant pour durer. De la même façon qu’un investisseur diversifie son portefeuille d’actions afin de diminuer ses risques d’investissement, une compagnie aérienne doit pouvoir diversifier ses activités afin de diminuer ses risques de disparaître en cas de crise.

Le cas d'Ewa Air

Un bon exemple de compagnie qui a su diversifier ses activités pendant le confinement est celui d’Ewa Air. Ewa Air compagnie régionale mahoraise qui exploite deux ATR-72-600 a étonnamment réussi à conclure son exercice fiscal 2019-2020 avec un résultat net positif de 149 638€. De quoi faire pâlir les géantes comme Air France qui a perdu pas moins de 4,4 milliards € depuis le début de l’année 2020.

 

Je vous l’accorde Ewa Air disposait déjà d’excellents résultats avant la crise. Mais ça ne suffit pas pour expliquer comme elle est parvenue à s’en sortir avec un résultat positif malgré une demande passager quasi-nulle. Le truc c’est que pendant le confinement, Ewa Air, s’est ouverte à trois types d’activités:

  • Le rapatriement sanitaire
  • Le transport de marchandises
  • Et le rapatriement de ressortissants français bloqués en Afrique.

Grâce à ces activités, la compagnie régionale a réussi à faire rentrer de l’argent dans ses caisses, et n’a jamais eu à arrêter de vol ses avions pendant le confinement.

Pour en savoir plus sur Ewa Air, je vous recommande ce superbe reportage réalisé par la chaîne Air-Clips.

Pour les dirigeants d’Ewa Air, cette diversification d’activité est appelée à continuer dans le long-terme. Avec la baisse de confiance des passagers, et les premières refermetures de frontières à la suite d’une deuxième vague de coronavirus, Ewa Air a bien compris que le transport de passager ne peut plus être la seule corde à son arc.

Pour les autres compagnies aériennes

Si j’ai choisi Ewa Air comme exemple c’est parce que c’est l’une des seules compagnies à s’en sortir avec un résultat positif.

Bien d’autres comme Corsair, Air France, ou Air Caraïbes ont pendant le confinement transporté des marchandises ou effectué des vols de rapatriement. Malheureusement elles ne s’en sortent pas toute aussi bien qu’Ewa Air. Pour préparer les futures crises, parce qu’il y en aura d’autres, les compagnies aériennes doivent être capables de faire autre chose que du transport de passagers.

Voici une petite liste d’activités que les compagnies aériennes pourraient effecteur en parallèle du transport de passagers:

 

  • Evidemment on a le transport de fret. Ici je parle d’abord, de l’utilisation d’avions 100% cargo comme le 777F et non pas du fret qui est transporté en soute en temps normal en même temps que les passagers. Un avion 100% cargo offre l’avantage de pouvoir embarquer des marchandises de plus gros volume grâce à une porte géante que l’on ne trouve pas sur les avions de ligne. Ensuite je parle d’avions dont on peut facilement changer, en très peu de temps, la configuration pour passer d’avion de ligne à avion cargo pouvant emporter beaucoup de palettes de petite taille. Soit par l’achat d’avions spécifique, soit par la mise en place de procédures au sein de la compagnie aérienne concernée. Avec le développement de la mondialisation, il y aura toujours de la demande pour le transport de marchandise par avion.
  • Ensuite on a le transport 100% premium. C’est-à-dire opérer des vols uniquement en classe business comme le fait par exemple La Compagnie Boutique Airlines. L’avantage de ce segment c’est que d’une, les clients voyagent en général à intervalle régulier ce qui constitue alors une source de revenue assurée en période normale. Et de deux, leur demande est moins influencée par les facteurs externes. C’est sur le marché de l’aviation d’affaire que la demande est remontée le plus vite depuis la fin du confinement. Début août, elle a d’ailleurs dépassé de 2%, sa valeur à la même période l’année passée. Le problème majeur étant de trouver la ou les ligne(s) où la demande sera suffisante. On peut penser ici à des vols Paris-Berlin, Paris-New York… Air Canada a par exemple lancé dernièrement des vols Toronto-Vancouver 100% premium afin de récupérer au plus vite de la crise du COVID-19.
  • Après quoi on a le Wet Leasing d’appareils (ou affrètement en Français). Le Wet Leasing c’est lorsqu’une compagnie aérienne loue l’un de ses avions avec son équipage et le service de maintenance à une autre compagnie aérienne, en général pour une courte durée (1 à 3 mois). Cela permettrait, en temps de crise, de limiter la mise en place de chômage partiel, et la mise en stockage coûteuse des avions. Et il y a un réel besoin pour ce genre de contrat. A la Réunion, la compagnie Air Austral loue régulièrement des A330 à Wamos Air ou HiFly à cause des nombreuses opérations de maintenance qui ont lieu sur ses 787. Aussi je verrai bien une compagnie louer un de ses avions à un gouvernement, pour transporter des personnalités lors de meeting importants comme le G20 par exemple.
  • Enfin on peut avoir à titre exceptionnel les opérations de rapatriement sanitaire ou de ressortissant. Ce genre d’opération reste rare, mais peut constituer une source de revenu supplémentaire de temps à autre. En France ce segment est largement dominé par l’Armée de l’Air en temps normal. Malgré tout il peut parfois y avoir de la place pour d’autres acteurs. Pendant ce confinement par exemple, 101 000 citoyens américains ont été rapatriés aux USA sur 1140 vols. En France ce sont 250 000 citoyens qui ont rapatriés depuis 169 pays différents… Je suppose qu’aucune aide privée n’a été de grand refus.

Conclusion

Avec le COVID-19, beaucoup de compagnies aériennes ont appris à se diversifier pour avoir ne serait-ce que de petites rentrées d’argent. Cette situation s’inscrit malgré tout de plus en plus dans la durée car le niveau de la demande passager est encore trop incertain et instable. Il ne s’agit pas pour elles de développer un segment 100% cargo ou entièrement consacré aux vols de rapatriements mais il faut qu’elles puissent rapidement changer la configuration de leurs avions pour remplir le plus de missions possibles.

La diversification d’activité peut permettre de continuer à gagner de l’argent pendant les crises certes, mais surtout elle permettra d’en faire rentrer un peu plus pendant les périodes “normales”, ce qui devrait permettre aux compagnies d’aborder ces crises avec plus de trésorerie augmentant du coup leurs chances d’y survivre.

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