Le 737MAX est-il maintenant vraiment sûr ?

Du 29 Juin au 1er Juillet 2020, la FAA, l’agence de sécurité aérienne américaine, a réalisé un ensemble de vols de test sur le 737MAX, ce qui constitue la première étape vers une possible recertification de l’avion. Le 737MAX avait été interdit de vol en Mars 2019 à la suite de problèmes de sécurité qui avaient causé la mort de 346 personnes. Au moment des faits l’avion était officiellement certifié par la FAA garantissant normalement la sûreté de ce-dernier. Alors…

Cette nouvelle certification sera-t-elle la bonne ? 
L’avion est-il maintenant vraiment sûr ?

C’est le sujet de cet article d’Aviactualité.

Les Accidents

Deux 737MAX se sont écrasés entre 2018 et 2019 à cinq mois d’intervalle tuant au total 346 personnes. Le premier crash était celui du vol Lion Air 610, qui s’est écrasé le 29 octobre 2018, tuant 189 personnes. Cinq mois plus tard, le 10 mars 2019, le vol Ethiopian Airlines 302 s’écrasait dans des conditions similaires, tuant 157 personnes dont 10 français.

Dans ces deux accident, le même système est remis en cause: le MCAS. Le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) a été originellement conçu pour protéger l’avion du décrochage en le faisant piquer du nez si ce-dernier est trop cabré.

Pour mesurer le degré de cabré, le 737MAX est équipé de 2 sondes dites “d’incidence”. Mais pour une raison encore peu claire, le MCAS ne prenait en compte qu’une seule d’entre elles. Cette unique sonde utilisée par le MCAS s’est retrouvée dans les deux accidents du MAX bloquée à des valeurs trop élevées. Le MCAS a donc erronément compris que l’avion risquait un décrochage et s’est alors activé.

Lorsque l'avion est trop cabré, le MCAS s'active pour empêcher un décrochage.

Dans l’accident du Lion Air, les pilotes n’avaient pas connaissance de l’existence de ce système. Ils n’ont donc pas pu le désactiver avant l’impact. A la suite du crash, Boeing et la FAA ont envoyé aux compagnies aériennes un bulletin service censé expliquer comment désactiver le MCAS. Malgré tout les pilotes de l’Ethiopian n’ont pas non plus réussi à le désactiver causant une deuxième tragédie. Sur toute la planète, la décision évidente de clouer au sol le 737MAX a alors été prise.

Révélations

A la suite de ces accidents de terribles révélations sur Boeing et la FAA ont fait surface.

On apprend par exemple que le MCAS a été implémenté sur le 737MAX car l’avion dispose de moteurs plus gros que ceux des anciennes générations de 737, ce qui fait qu’il est plus sujet au décrochage que ses aïeux. Son intégration permet une transition plus rapide des pilotes des anciennes générations de 737 vers la version MAX.

La nacelle moteur d'une 737MAX. Image: Boeing Brochure 737MAX.
La nacelle moteur d'un 737NG (d'ancienne génération). Image: Boeing Brochure 737MAX.

Quand bien même Boeing n’a pas informé les pilotes de l’existence de ce nouveau système car cela aurait était synonyme de mise en place d’une formation coûteuse. Impossible à envisager dans un environnement ultra-concurrentiel avec Airbus. 

On apprend aussi que la FAA n’a pas directement vérifié la sûreté du MAX mais a relégué la tâche de certification aux ingénieurs de Boeing.

Par ailleurs pendant les vols d’essai, des pilotes de Boeing, pointaient déjà du doigt les failles du MAX. Leur voix n’a cependant jamais été prise en compte pendant le reste de la campagne d’essai.

Tout ces défauts ont coûté la vie à 346 personnes et ont conduit le 737MAX a être interdit de vol partout dans le monde, mettant à mal la santé financière de Boeing et impactant l’ensemble de l’industrie aéronautique mondiale. Sans parler du fait que l’image de Boeing s’est retrouvée considérablement dégradée. Afin de permettre à l’avion de revoler, Boeing a donc dû apporter des modifications à son dernier-né. Ces modifications ont été vérifiées lors des vols de recertification qui ont été conduits, cette fois par la FAA en personne, du 29 Juin au 1er Juillet 2020.

Mise-à-jour du MCAS

L’ensemble des modifications apportées au 737MAX reste aujourd’hui encore très incertain. Mais on sait que Boeing a apporté de nombreuses mises à jour au MCAS:

  • Désormais le système ne pourra mettre l’avion en piqué qu’à une seule reprise.

  • Il aura moins d’autorité sur la gouverne de profondeur que les pilotes n’en auront. Ceux-ci pourront alors contrer le MCAS, ce qui n’était pas le cas auparavant.

  • Enfin le système compare dorénavant les informations des deux sondes d’incidence qui mesurent le degré de cabré de l’avion.

Vol de recertification du 737MAX. Les mise-à-jour du MCAS ont été testés par la FAA en personne.

Quand bien même le nouveau MCAS a été testé plus de 800 fois sur une campagne de vols d’essai totalisant 1500 heures de vol, je pense que Boeing peut mieux faire afin d’assurer une redondance maximale du système. Je m’explique:

    • Sur les avions Airbus il existe un système similaire au MCAS mais qui lui compare les informations de 3 sondes d’incidence. Malgré tout cela n’a pas empêché que ce système s’active à tord, et mette l’Airbus en piqué, à cause d’un blocage simultané de deux sondes d’incidence comme ce fut par exemple le cas sur un vol d’Eva Air en 2012. En fait non seulement je pense qu’il faudrait une troisième sonde d’incidence sur le MAX, mais il faudrait aussi que celle-ci mesure l’incidence de façon synthétique (grâce à des calculateurs). Les sondes actuelles mesurant l’incidence de façon aérodynamique. Cette troisième sonde n’aurait alors pas les mêmes failles que les deux autres.

Heureusement pour nous, cela fait partie des exigences de l’EASA, l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne, pour une recertification du 737MAX en Europe. Boeing a jusqu’à 2021 pour équiper le MAX, d’une sonde de ce type. L’avion recevra alors une certification définitive pour voler en Europe. D’ici là ce-dernier recevra une autorisation de vol temporaire en Europe.

A noter que déjà en 2015, Mr Christian Roger, ex-pilote d’Air France recommandait l’installation d’une sonde d’incidence synthétique sur les avions de ligne.

Le Canada a également demandé à Boeing d’apporter quelques modifications supplémentaires d’ici fin-2021 pour que l’avion soit officiellement autorisé à voler au Canada.

Au delà de ça, Boeing travaille actuellement avec les compagnies clientes du MAX sur l’entraînement des pilotes afin que ceux-ci soient à même de réagir correctement face à une activation erronée du MCAS.

Conclusion

Le fonctionnement du MCAS a donc été revu et ce-dernier ne devrait plus s’activer à tort. Cependant les différentes agences mondiales de sécurité aérienne semblent demander plus qu’une simple correction de logiciel pour autoriser l’avion à voler dans leur pays respectif. Cela car la confiance en la FAA a été quelque peu perdue.

Le processus de cette recertification est encore à l’heure actuelle très flou. Ni Boeing, ni la FAA n’ont apporté de précisions sur le déroulement des vols de recertification.

L'ensemble des mesures prises par Boeing depuis l'affaire du 737MAX. Image: Boeing / 737MAX Return-To-Service-Update (21/10/2019).

En tant que passionné et grand admirateur de Boeing, je fais confiance à l’avionneur de Seattle et la FAA quant à la recertification du MAX. Mais je n’ose pas imaginer le désarroi des familles des victimes qui vont voir repartir en vol l’avion qui a tué leurs proches sans avoir connaissance de tout ce qui a été mis en place pour éviter que d’autres accidents n’arrivent.

Et même si le nouveau PDG de Boeing, David Calhoun avait annoncé qu’il serait le premier à mettre les pieds dans l’avion en tant que passager (depuis l’interdiction de vol du 737MAX), je pense que ça ne suffit pas pour convaincre les familles des victimes.

Enfin, les pilotes du 737MAX, se montrent confiants. Dans une intervention sur le podcast AéroPod Pierre-Henri Chuet, pilote de MAX chez Air Canada, a par exemple déclaré qu’il n’a pas d’inquiétudes particulières vis-à-vis de l’avion et qu’à partir du moment où un pilote monte dans un avion c’est qu’il est assuré qu’il peut garantir la sécurité des passagers. Alors tant que des pilotes montent dans l’avion, nous devons, en principe, être rassurés, en tant que passagers

Même s’il y a alors une grande probabilité que le 737MAX soit désormais un avion sûr on ne peut donc surtout qu’espérer qu’il le soit réellement.

Sources

AéroPod – Interview de Pierre-Henri Chuet pilote de 737MAX chez Air Canada

 

Boeing – Mises à jour du 737MAX

               Q&A sur le 737MAX

               Présentation du 737MAX

 

EASA – Airworthiness Directive pour les A330 après l’incident de l’avion d’Eva Air

 

FAA – Vols de recertification du 737MAX

          MAJs concernant l’avancée du processus de recertification du 737MAX

 

Flightglobal – Des pilotes américains, passent en revue le dernier brouillon du manuel d’entraînement du 737MAX

 

Jumboroger.fr – Un article d’un ex-pilote de ligne d’Air France qui recommendait déjà en 2015 d’installer une sonde mesurant l’incidence de façon “synthétique”

                             Incident de l’avion d’Eva Air (1)

 

Rapport d’enquête des crash – Rapport d’enquête final du crash du vol Lion Air 610

                                                       Rapport d’enquête interimaire du crash du vol Ethiopian Airlines 302

 

Seattle Times – Les agences de sécurité aérienne mondiale demandent de nouvelles mofications pour le 737MAX (notez que pour simplifier le concept de sonde d’incidence synthétique j’ai utilisé dans la vidéo le terme “numérique”)

                           Boeing a perdu 800 commandes pour le 737MAX depuis le début de l’année 2020

 

USA Today – Incident de l’avion d’Eva Air (2)

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