COMAC, la menace Chinoise

La Chine a toujours historiquement été une puissance mondiale incontournable. Après un XXè notamment tourmenté par les guerres, le pays se retrouve en marge du monde moderne. Mais depuis les années 1980s, ce-dernier cherche à rattraper son retard technologique. Et il faut dire qu’il y arrive plutôt bien.

Pas plus tard que l’année dernière par exemple, la Chine a envoyé un robot sur la face cachée de la Lune. C’est une première dans l’histoire de l’humanité. De façon générale, la contribution de la Chine à l’économie mondiale se passe d’explications.

Le prochain objectif du pays est de dominer les cieux avec COMAC. COMAC signifie Commercial Aircraft Corporation of China. C’est une entreprise d’Etat qui a été fondée le 11 mai 2008 à Shangai en Chine. Vous en avez peut-être ou peut-être pas entendu parler. COMAC produit des avions commerciaux.

Elle a été souvent présenté comme étant une organisation capable de mettre fin au duopole Airbus, Boeing. 
Info ou intox?

Je vais essayer de brièvement vous exposer la situation.

Le rover de la mission Chang'e 4 qui consistait à alunir sur la face cachée de la Lune. Image: CNSA (China National Space Administration).

1- Les Objectifs

La politique de COMAC est assez originale s’appuyant sur les standards suivants:

  • s’inscrire dans la continuité du processus d’ouverture à la mondialisation de la Chine
  • tout en la rendant plus indépendante
  • dans le respect des standards internationaux

Le but de l’avionneur est de:

  • faire voler des avions chinois
  • plus fiables
  • plus économiques
  • plus confortables
  • et plus verts

que les autres avions dans le monde; tout cela sous le symbole d’un retour au devant de la scène d’une Chine suivant le modèle socialiste.

On peut dire que COMAC et la Chine plus généralement ne manque pas d’ambitions. Et à juste titre.

A l’heure d’aujourd’hui COMAC vise à devenir un constructeur d’avions reconnu d’ici à 2035, et même à être l’un des 4 leaders mondiaux dans le domaine d’ici 2050. Pour arriver à cet objectif l’entreprise travaille aujourd’hui sur 3 projets: l’ARJ21, le C919 et le C929.

2- Les avions

Contrairement à Mitsubishi présenté dans l’épisode 8 d’Aviactualité, COMAC lui a déjà produit un avion qui est actuellement en service: l’ARJ21.

L’ARJ21 est un avion commercial court et moyen-courrier monocouloir dont le développement a été lancé en 2002 par un consortium d’entreprises chinoises. Malgré une une entrée en service initialement prévue pour 2006, l’avion n’effectuera son premier vol qu’en 2008. Il entrera finalement en service 8 ans plus tard, en 2016, sous les couleurs de Chengdu Airlines. COMAC a par la suite repris le programme ARJ21, au moment de la création de l’entreprise en 2008.

Parmi les nombreuses caractéristiques de cet avion on note surtout un cockpit équipé d’écrans LCD, ainsi que des moteurs placés à l’arrière du fuselage. Ce design permet en fait de réduire le bruit en cabine. Aujourd’hui seuls 34 exemplaires sont sortis d’usine même si le carnet de commande s’élève à 596 unités.

J’imagine que peu d’entre vous ont entendu parler de l’ARJ21 mais je pense que le C919 est déjà un peu plus familier.

Le C919 est le dernier-né de COMAC. En développement depuis 2008, le C919 a effectué son premier vol en 2017. Avion commercial monocouloir moyen-courrier le COMAC C919 peut transporter jusqu’à 168 passagers et s’impose donc en concurrent direct des célèbres Airbus A320 et Boeing 737. Le C919 s’aligne sur les derniers standards technologiques avec un cockpit équipé d’écrans LCD, de commandes de vol électriques, d’affichages tête haute et des moteurs CFM-Leap (de la même famille que ceux qui équipent les A320neo et autre 737max). Six C919 volent à l’heure actuelle. Tous sont des avions d’essais en vol. L’avion devrait entrer en service en 2021. 815 commandes ont été passées par 28 clients différents.

Un ARJ21 de Chengdu Airlines à l'atterrissage. Image: Wikipédia / Danny Yu.
Un C919 au décollage. Image: Wikipédia / Ken Chen.

Au-delà du C919, COMAC vise encore plus gros avec le C929 qui sera lui un gros-porteur capable de transporter jusqu’à 280 passagers sur des distances pouvant s’étendre à 12 000 kms.

Le C929, réalisé en partenariat avec la Russie, est en cours de développement. Ce sera un concurrent direct du Boeing 787.

3- Données réelles

Les informations que je viens de vous présenter ont été recueillies sur le site de COMAC qui je vous le rappelle est majoritairement détenu par le gouvernement chinois. Certaines d’entres elles ne sont donc pas tout à fait fiables.

Concernant l’ARJ21, sur les 596 commandes passées, il y en seulement 233 qui ne sont pas pour des compagnies aériennes détenues par l’Etat.

Pour le C919, sur les 815 commandes passées, il n’y a que 305 commandes fermes. Le reste ne sont que des engagements ou des intentions d’achat. Et puis sur les 28 clients prêts à acheter l’avion il n’y en a qu’un seul qui est étranger.

En fait si aujourd’hui la Chine ne manque pas de savoir-faire, elle manque encore d’expérience dans le domaine de la conception d’aéronefs.

Prenez le cockpit de l’ARJ21 par exemple: beaucoup d’éléments sont étrangement similaires à ceux d’autres avions. L’horloge et les manettes extincteurs ressemblent à celles que l’on trouve chez Boeing. On retrouve aussi la manette d’aérofreins de chez Canadair. Le frein de parc ressemble à celui des avions Embraer etc.

Sans même parler du fait que l’ARJ21 résulte de près de 13 ans de développement.

Le cockpit de l'ARJ21. Image: COMAC.

Concernant le programme C919, il est un peu plus original mais résulte en grande partie d’espionnage industriel. C’est avéré, plusieurs entreprises aéronautiques européennes et américaines ont été victimes de cyberattaques pendant le développement du C919. Ces cyberattaques étaient conduites par un groupe de hackers surnommé Turbine Panda qui est directement aidé par le JSSD et le MSS les services de renseignement chinois. Malgré tout cela n’a pas empêché que le programme rencontre quelques complications:

  • Dernièrement, la nacelle moteur de l’avion s’est révélée être peu solide à cause d’erreurs de calculs des ingénieurs chinois
  • Des fissures avaient été également trouvées un peu plus tôt dans la gouverne de profondeur
  • Un arbre de transmission moteur s’est également avéré être sujet à fissurations ce qui a provoqué l’arrêt d’un moteur en vol

Le résultat est le suivant: au mois de Janvier 2020, moins d’1/5 des 4200 heures de vol de test devant être réalisées pour pouvoir demander la certification de l’avion auprès des autorités chinoises, a été réalisé. Tous ces problèmes qui sont normaux quand on conçoit un avion de 0 pour la première fois, ont causé de nombreux retards dans le programme. Même si l’avion sera 10% moins cher que ceux de la concurrence, il consommera plus de carburant (utilisation de technologies imaginées et conçues en 2008). Enfin certaines sources de Reuters proches du programme se sont dites sceptiques quant à une mise en service de l’avion pour 2021.

Conclusion

Pour conclure on peut dire que OUI COMAC est une puissance montante dans l’industrie, mais de là à déclarer qu’elle fera tomber le duopole Airbus/Boeing il est encore TROP TÔT POUR LE DIRE. La Chine comme je l’ai précédemment déclaré ne manque pas de savoir-faire mais manque d’expérience. En fait le pays a réussi à rattraper son retard technologique dans le domaine grâce à de l’espionnage industriel. Cet espionnage a permis d’acquérir les notions théoriques mais pas l’expérience nécessaire à la conception d’un avion de 0.

De plus la Chine est encore loin d’assouvir son désir d’indépendance puisque le C919 utilise majoritairement des composants Européens/Américains. Tout cela sur fond de tensions économiques entre la Chine et les Etats-Unis.

En effet les USA ont récemment imposé des restrictions sur la vente de moteurs et de pilote automatiques américains à la Chine.

Le C919 utilise majoritairement des composants Européens/Américains. Image: aerotime.aero.
D'ici à 2038, l'Asie sera le plus gros marché en termes de volume et de croissance. Image: Airbus GMF 2019-2038.

Et surtout il y a le problème de la certification. Si le C919 sera probablement certifié par la CAAC, l’autorité aéronautique chinoise, en sera-t-il de même pour les autorités aéronautiques occidentales comme la FAA ou l’EASA. Sans leur certification il est probable que le C919 ne pose jamais le pied en Occident.

Donc au jour d’aujourd’hui COMAC est encore sous le joug du bon vouloir des économies occidentales.

La menace concerne en fait le long-terme. Le marché asiatique sera d’ici à 2035 le plus gros en terme de volume et de croissance. Si la Chine arrive à asseoir son influence sur les pays d’Asie, il n’y a pour moi aucun doute sur le fait que COMAC deviendra alors un acteur majeur de l’industrie aéronautique de demain.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut