Aviactualité #5 - A quand une aviation 100% verte ?

Bonjour à toutes et à tous j’espère que vous vous portez bien ! Bienvenue sur le quatrième épisode d’Aviactualité, l’émission où on parle des news de l’aviation. C’est Pierre et je suis content de vous retrouver pour ce nouvel épisode ! Aujourd’hui nous allons parler de l’aviation électrique.

Comme vous le savez, Air France a obtenu, le 24 avril 2020, un prêt de 7 milliards € pour faire face à la crise du COVID-19. Cependant ce prêt a été accordé à la compagnie nationale sous certaines conditions, notamment qu’Air France devienne « la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement de la planète » comme déclaré par le ministre de l’économie Mr Bruno Le Maire. Dans ce contexte, je me suis dit qu’on pourrait s’intéresser à l’aviation électrique afin de savoir

Si le secteur du transport aérien a des chances de devenir un jour non polluant.

1 - Les projets d'avion électrique

On va donc commencer par jeter un petit coup d’œil aux principaux projets d’avions électriques qui existent dans le monde. Contrairement à ce que l’on pourrait croire il y a un nombre considérable de projets de ce type. J’en ai donc sélectionné trois, ceux qui me paraissaient les plus intéressants pour le sujet d’aujourd’hui :

Le premier projet c’est l’Alpha Electro de Pipistrel. Pipistrel est une entreprise américaine qui construit des petits avions de loisirs. En 2017, Pipistrel a lancé avec l’aide de Siemens l’Alpha Electro; un ULM deux places tout électrique capable de voler pendant 1h30. Certifié depuis 2017 l’Alpha Electro vole aujourd’hui aux USA, en Australie, au Canada, en France et dans d’autres pays Européens. Plusieurs aéroclubs en ont fait l’acquisition et semblent satisfaits de leur investissement.

Le deuxième projet c’est l’E-Fan X. L’E-Fan X était un projet d’avion hybride développé par Airbus qui a été dévoilé au grand public en Février 2020. Il se différenciait notamment par son approche pragmatique puisque l’E-Fan X ne visait pas à développer un avion tout électrique mais plutôt un avion hybride équipé de 3 moteurs à combustion et d’un moteur électrique. Le projet a été malheureusement annulé fin Avril à cause des difficultés financières que rencontre Airbus. L’E-Fan X aurait été un avion de transport régional qui aurait permit de réduire de 75% les émissions de CO2. Il a néanmoins permis à Airbus de’énormément approfondir ses connaissances sur le vol électrique et servira sans doute de base de départ pour de futurs projets d’avions électriques.

Le troisième projet et le plus intéressant selon moi pour l’aviation commerciale c’est l’ePlane. L’ePlane est un avion de transport régional tout électrique développé à Vancouver au Canada. C’est un hydravion DHC-2 de la compagnie d’hydravions Harbour Air dont le moteur a été modifié afin d’accueillir un moteur 100% électrique développé par l’entreprise magniX. L’ePlane a réalisé son premier vol le 10 décembre 2019. Il représente à l’heure actuelle le plus gros espoir d’une aviation 100% verte. Le processus de certification de l’ePlane est toujours en cours. A terme Harbour Air envisage d’équiper le moteur électrique de magniX sur l’ensemble de sa flotte d’hydravions. Si cela arrive, Harbour Air sera la première compagnie aérienne mondiale à effectuer des vols avec 0 émission de CO2 sur des distances allant de 90 à 230 kms. De quoi remettre en perspective les objectifs fixés par Bruno Le Maire à Air France.

Premier vol de l’ePlane le 12 Décembre 2019. Image: Harbour Air / Vidéo: magniX

Pour plus d’informations sur ces différents projets je vous redirige vers les liens à la fin de l’article.

2 - Contraintes

Même avec tous ces projets, l’aviation est encore loin de devenir 100% verte car le vol tout électrique est très contraignant.

L’utilisation de la batterie comme source de puissance fonctionne bien sur de petites distances. Mais au-delà d’une certaine distance, la batterie devient trop lourde par rapport à son rendement. Jean Hermetz chercheur à l’ONERA (Office Nationale d’Etudes et de Recherches Aérospatiales) a déclaré en 2017 : « Pour obtenir la densité d’énergie d’un kilo de kérosène, il faut 60 kilos de batterie ».

C’est pour cela que les compagnies régionales comme Harbour Air qui réalisent des vols inférieurs à 300kms disposeront de flottes 100% électriques bien avant les compagnies aériennes comme Air France qui ont des liaisons de toutes distances. Les batteries ont également tendance à s’enflammer ce qui est extrêmement dangereux pour les avions. On se souvient de cet accident d’un 777 d’Egypt Air dont le cockpit a littéralement fondu en 2011 à la suite d’un court-circuit.

Accident du 777 d’EgyptAir dont le cockpit à littéralement fondu à la suite d’un court-circuit. Images: EAAICD.

Heureusement la batterie n’est pas la seule solution envisageable pour rendre l’aviation 100% verte. Les piles à combustibles et le principe de propulsion distribuée constituent des axes de recherche intéressants. Si aujourd’hui la plupart des projets se concentrent sur la batterie, c’est parce que les autres technologies ne sont pas encore assez matures pour des applications concrètes dans l’aviation civile.

Cela ne veut pas dire que des recherches sur ces technologies alternatives ne sont pas réalisées. On peut citer par exemple le projet AMPERE de l’ONERA. L’objectif de ce programme est d’étudier la propulsion électrique distribuée. AMPERE a été lancé en 2015 et vise à transporter 4 à 6 personnes sur des distances d’environ 500 kms. Les résultats qui seront tirés du projet AMPERE serviront de base de départ pour les constructeurs aéronautiques dans le développement de nouveaux avions électriques.

3 - Comment réussir ?

Finalement comment peut-on accélérer le développement de l’électrique dans l’aviation ? C’est assez compliqué à dire puisque beaucoup de ces technologies ne sont pas encore assez matures pour une application concrète dans l’aviation commerciale. Personnellement je pense qu’il est de la responsabilité de l’Etat de financer à plus grande échelle la recherche dans ce domaine. Je ne suis pas partisan de la solution 0 avion pour 0 émission. Ça ne répondrait pas à la définition du développement durable : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » – Mme Gro Harlem Brundtland. L’aviation est essentielle au bon fonctionnement de l’économie mondiale et un arrêt des activités aériennes pourrait empêcher les générations futures de répondre à leurs besoins. Je pense donc que l’Etat a sa part à jouer en finançant les organismes de recherche. Dans le cadre du prêt obtenu par Air France, plutôt que de chercher à supprimer les lignes intérieures, l’Etat pourrait demander à Air France de travailler en collaboration avec Airbus dans le développement d’un avion hybride / électrique avec une obligation de résultat d’ici la fin de la décennie.

Je pense également qu’il faut faire les choses étape par étape. J’ai eu la chance d’assister à une conférence réalisée par Jean Hermetz lui-même sur l’aviation électrique. Il déclarait pendant cette conférence que le moteur à combustion est un système de propulsion incroyablement efficace et qu’il est très difficile de trouver un système équivalent. Je me dis alors que plutôt que de chercher à développer un avion commercial tout électrique tout de suite on pourrait commencer par développer un avion commercial hybride. Cela permettrait de réduire considérablement les émissions de CO2 en attendant que la technologie soit assez mature pour que l’on puisse passer à un tout électrique. Le secteur automobile est passé par là et aujourd’hui de nombreuses voitures électriques sont en circulation. La piste d’un avion hybride avait été étudiée par Airbus avec l’E-Fan X mais malheureusement le projet a été annulé.

Bien sûr cela n’est que mon avis personnel et ne représente pas la situation actuelle des choses. Le débat est ouvert et je serai ravi que vous me disiez ce que vous en pensez dans l’espace commentaire.

Conclusion

En conclusion on peut donc dire que de nombreux projets d’avions à 0 émission carbone existent; certains plus aboutis que les autres. L’aviation électrique constitue un axe de recherche extrêmement compliqué qui demande beaucoup de ressources. Selon moi l’aviation pourrait un jour devenir non polluante mais cela demanderait des investissements considérables de la part des Etats et des entreprises. La situation reste quand même urgente et plus l’on attendra plus les solutions devront être radicales pour résoudre le problème du réchauffement climatique. C’est donc maintenant qu’il faut réagir !